"TROU DE MEMOIRE" D'UN POURCENTAGE
Ou la modeste chronique d'un symbole d'organisation sociale à
réinventer.
Ce fameux 1 % (salaire social différé des Electriciens et Gaziers),
il nous faut bien en parler un peu, depuis des mois que nous tournons autour.
Après tout, sans lui et les craintes que nous avons de voir
péricliter l'organisation sociale des IEG*, l'association CCASMAG*
ne serait pas née.
Nous ne ferons pas injure, en les plagiant, aux auteurs des très nombreux
ouvrages qui traitent scientifiquement et avec brio de la sociologie du travail
et plus précisément de celle d'EDF* et de GDF*.
Nous allons, dans ces quelques lignes, nous contenter d'évoquer la
mémoire et la perception du 1 % d'un agent que nous nommerons "Anonyme".
Cet "Anonyme" aurait son "taf" de carrière, il pourrait prétendre
à la retraite, plus exactement à l'inactivité de service
où il y serait depuis peu. C'est un agent qui aurait assez
"bourlingué" dans les unités des IEG. S'il connaît bien
l'histoire de son entreprise, il est plus circonspect sur certaines de ses
orientations actuelles. Comme la majorité de ses pairs, il a vécu
avec "elle" ses évolutions pendant plusieurs décennies. Alors,
pour comprendre, remontons le temps en sa compagnie.
L'histoire commence dès la fin de la guerre, en 1944, un peu avant
la Libération.
Le "pourcentage", héros de notre histoire, n'est pas encore né.
Sa "matrice" est cependant en gestation. En effet, on trouve l'idée
d'une nationalisation, plus exactement celle d' "un retour à la
nation (
) des sources d'énergie" dans le programme de
mars 1944 du Conseil National de la Résistance. Même le
général De Gaulle adopte cette idée et l'annonce dans
des déclarations publiques en 1944 et 1945.
Les gouvernants du moment, PCF*, SFIO* et MRP*, trouvent la force, après
dix huit mois d'âpres négociations, de promulguer la loi de
nationalisation qui fait naître EDF et GDF le 8 avril 1946. Le décret
du 22 juin 1946 définit le statut du personnel des établissements
nouvellement crées.
Ici, il est utile de rappeler que l'idée de la CGT* visant la
nationalisation des énergies dès la fin de la 1e guerre mondiale,
mais abandonnée à cette époque, est redevenue
d'actualité lors du front populaire. Elle fut un des éléments
déterminant pour la création d'EDF et de GDF. Il faut aussi
rappeler que le contexte de l'après guerre où des ministres
communistes siégèrent au gouvernement jusqu'en 1947 fut favorable
à la nationalisation de la majeure partie des IEG. Seules y
échappèrent quelques concessions telle la CNR*.
Marcel PAUL, ministre communiste de la production industrielle puis
secrétaire de la fédération CGT de l'éclairage
de 1947 à 1963, fut le personnage clé dans la création
des IEG et de leur statut. Les débats furent difficiles mais la loi
de nationalisation des IEG fut adoptée.
Il s'agissait à l'époque d'un grand rassemblement de
compétences et de volontés, des plus modestes des employés
aux cadres dirigeant les entreprises, pour doter le pays des moyens
cohérents de production et de distribution des énergies. Il
s'agissait de relever la France des chocs et des malheurs qui venait de la
frapper sans sacrifier aux abus et profits excessifs potentiels inhérents
au secteur privé. Mais déjà des détracteurs
dénonçaient le "mirifique" statut des agents. Une certaine
presse du moment répandait ces idées de contestation du
régime particulier des agents des IEG tels LE MONDE et LE FIGARO.
Pourtant l'effort fourni est énorme, les agents travaillent 10 heures
par jour et 6 jours par semaine.
Revenons à ce statut, la matrice du "pourcentage", le 1 % des
électriciens et des gaziers. Mais aussi celle d'un autre 1 % qui
dédommagera pendant 50 ans les propriétaires des entreprises
privées qui viennent d'être nationalisées. Seul le 1
% social des agents sera légalement prévu pour durer l'existence
des entreprises.
Une loi a fait ce statut, seule une loi pourrait le défaire. Il
représente une avancée sociale et démocratique sans
équivalence en matière de garantie d'emploi, de
rémunération (ex : pour une même activité les
femmes ont un salaire équivalent aux hommes, il y a déjà
plus de 50 ans !), de réalisations sociales avancées,
protection maladie, avantages familiaux, de retraite, du libre droit de
l'exercice syndical. Il donnera aux personnels vis à vis des dirigeants
les moyens paritaires pour débattre de l'organisation et du fonctionnement
des entreprises mais aussi de leurs évolutions, du futur.
Ce futur sera riche en rebondissements, en accords et en désaccords,
en contestations et en partenariats. De nombreuses remises en cause et
évolutions marquent la vie de ces Entreprises. Elles ont été
le fruit de grands événements. On en citera quelques-uns uns,
tels l'émergence de l'hydraulique, les contestations publiques des
projets et des programmes nationaux, le 1er choc pétrolier suivi de
l'avènement du nucléaire, les luttes sociales, les choix politiques
qui ont pesé sur la perception des Entreprises par le public et plus
récemment l'ouverture vers le monde extérieur à la France.
Autant de séismes qui ont secoué l'édifice mais qui
paradoxalement l'ont renforcé et rendu de plus en plus performant
jusqu'à ce qu'il devienne intimement lié et indispensable au
pays et à ses habitants. Mais nous nous éloignons de notre
sujet. C'est la passion de notre Anonyme qui le fait déborder. Remontons
encore une fois le temps.
Une des particularités du statut des agents des IEG nouvellement
nationalisées fut l'avènement des uvres sociales qui
seront financées par ce fameux 1 % des électriciens et gaziers.
Ce fut alors la création du Conseil Central des Oeuvres Sociales,
le CCOS qui deviendra plus tard le Conseil de la Caisse d'Actions Sociales
plus communément appelé aujourd'hui Caisse Centrale
d'Activités Sociales, la CCAS. Notons ici le statut juridique hybride
de type "sui generis" qui sera conféré à la CCAS et
pour lequel les dirigeants successifs ne se préoccuperont jamais d'une
quelconque évolution. Au contraire, il sera l'objet d'un conservatisme
sectaire exacerbé.
Les mots clés de la CCAS sont vacances, santé pour tous, et
solidarité. Le mot d'ordre permanent, gardien de la doctrine
édictée, est : "des activités pour le personnel,
par le personnel"
A cette période de la vie de la société, la syndicalisation
est massive. Elle atteint 95 % des agents. La CGT est largement majoritaire
à ce point que près de 15 % des cadres s'y rallient en 1946.
De par les règles statutaires, la CGT se retrouve ainsi à la
tête du Conseil d'Administration du nouvel Organisme. Elle a à
gérer un budget déjà qualifié d'énorme,
le fameux 1 %. Un pour cent du chiffre d'affaires d'EGF.
La société se relève tout juste de la guerre. Les besoins
sont énormes. Les pistes sont nombreuses pour utiliser cette manne.
Activités culturelles et sportives, vacances et restauration
méridienne, activités mutualistes et solidarité, formation
sociale, etc.
En 1954, EDF reprend la responsabilité du "CE"*, puis il est à
nouveau confié aux organisations syndicales en 1964. La formation
sociale et professionnelle est interne et sera majoritairement dispensée
par l'IFOREP*. Les CMCAS* ont en charge les activités de proximité
de loisirs, de culture et de solidarité. Mais elles sont surtout
chargées du traitement mutualiste de la santé des agents et
de leurs familles. Elles sont le relais d'expression sociale de terrain.
La CCAS est principalement en charge de l'organisation des vacances au plan
national.
Pendant de longues années, grâce au dévouement des pionniers
puis de leurs successeurs, l'organisme sera une référence sociale
sans tache. Tous les domaines des loisirs, de la culture et des sciences
seront proposés aux agents y compris en intégrant les
handicapés dans un magnifique élan de solidarité.
La CGT majoritaire à chaque élection de
représentativité s'installe et s'assoie dans son rôle
hégémonique de gestionnaire principal. Elle est aussi un
fidèle partenaire des grands engagements des directions des IEG. Elle
joue un grand rôle de défenseur social mais aussi de
modérateur de l'opinion des agents. On le constatera entre autres
lors de l'avènement du nucléaire.
Les années passent, les décennies, la gauche arrive au pouvoir.
Le syndicalisme en perte d'audience devient de moins en moins virulent. Ses
adhérents "s'évaporent" de plus en plus.
La gestion de la CCAS, malgré la progression constante du fond du
1 % lié à la forte évolution du chiffre d'affaires des
IEG, devient de plus en plus laxiste. Le social et le politique se
mélangent de plus en plus activement. Malgré de coûteuses
réformes de structures (déconcentration en 1988 avec la
création des DRO* et sa suite en 1992 avec la mise en place des SO*
au plus près des sites de vacances), les difficultés d'organisation
et de gestion croissent. La demande de places supplémentaires et
d'amélioration des prestations des agents dits "les
bénéficiaires" s'accroît aussi. Faute d'un pouvoir d'achat
en baisse continuelle dû à la conjoncture politique et
économique du moment, les agents se replient de plus en plus nombreux
vers l'utilisation de leur salaire social.
La CCAS tente de réagir. L'effort, au demeurant louable, est
"plombé" par d'énormes et injustifiables frais de fonctionnement.
Ses dirigeants subissent de plein fouet les résultats de leur politique
aléatoire de gestion des ressources humaines et patrimoniales. Ils
confondent de plus en plus devoirs sociaux et intérêts syndicaux.
Bien que la direction de la CCAS affirme le contraire, les performances de
l'Organisme plongent vers l'inconnu par des voies peu orthodoxes et contestables
Mais la contestation interne de "l'appareil" qui le gère est
"interdite". Il fallut porter le fer par l'extérieur de "l'édifice
". Ainsi naquit CCASMAG dont nous vous invitons à lire ou relire les
précédents numéros pour bien saisir toute l'ampleur
du désastre économique qui menace les Oeuvres Sociales des
IEG.
Nous n'avons que la bien modeste ambition de faire naître les
interrogations nécessaires et provoquer autant que possible des
réactions qui feront "secouer le cocotier". Agents des IEG, unissons-nous
pour botter hors du sérail les petits et les grands profiteurs des
"largesses politico-syndicales" dispensées par les "gestionnaires"
du moment. Notre 1 % pourrait ainsi bénéficier bien plus à
nos familles et devenir une référence sociale encore plus louable.
Il faut faire tomber les fruits pourris qui le gangrènent. Il est
la sève d'une espèce unique d'organisme social. Le laisser
mourir, c'est "retourner avant 36". Nous devons tous nous engager pour la
préservation de ce symbole d'une formidable avancée sociale.
Un modèle du genre qu'il ne faut pas jalouser mais qu'il faut même
dupliquer dans le secteur privé.
Agents et clients des IEG, nous devons aussi être unis pour préserver
le "modèle EDF". Pas plus qu'il ne faut critiquer sur le fond son
CE, il ne faut ni décrier ni jalouser le statut de ces entreprises
performantes et de leurs personnels au service de la nation et bientôt
de l'Europe.
Il faut amener nos dirigeants à continuer de faire d'EGF une
référence technologique et sociale enviée et copiée
dans le monde entier car... Quelle entreprise aussi performante techniquement
et commercialement traite aussi socialement ses agents ? Quelle entreprise
donne 1 % de son chiffre d'affaires pour le CE de ses agents ? Quelle entreprise
verse statutairement un salaire égal aux hommes et aux femmes qui
accomplissent les mêmes tâches ou prennent les mêmes
responsabilités ? Quelle entreprise
Chacun de nos lecteurs sait, qu'il soit client ou agent, que EDF et GDF sont
des entreprises pilotes, des entreprises de référence. Elles
ont contribué au "référencement" technologique de la
France. Malheureusement, aujourd'hui, elles sont l'objet d'attaques frontales
du système économique mondial régnant. Ce n'est pas
une raison pour abandonner de tels joyaux industriels aux jeux de financiers
plus tentés par la spéculation que par le civisme national
voire supranational.
Aujourd'hui, un séisme politique vient de secouer la nation. Il est
le résultat de trop d'abus, de trop de déviances, de trop de
Ce n'est pas notre rôle et nous n'avons peut-être pas tous les
éléments pour juger
Mais nous ne sommes pas dupes de
la situation politique conjoncturelle !
Nous pensons qu'en démocratie, lorsque l'opinion, lorsque le peuple
le veut vraiment, on peut rééquilibrer les tendances vers une
plus juste répartition des bénéfices de la
productivité et surtout bien l'organiser sans que certains ne subissent
l'injure des "aumônes" nationales.
Alors ce 1 %, symbole du statut des IEG et de leurs agents, c'est le moment
de peser dans la balance politique pour le préserver et le faire copier
autant que possible aux secteurs privés de l'industrie. Les
détracteurs politiques d'une telle avancée sociale pourront
toujours objecter le poids financier d'une telle organisation. Ce n'est,
dans une société performante, qu'une question d'orientation
sociale issue de la concertation ou
de rapports de forces.
Et si l'idée était reprise et défendue de concert par
les salariés de toute l'Europe ?
Ce n'est pas de l'utopie. L'aventure de notre 1 % l'a prouvé. Ne laissons
pas détruire cette preuve. C'est le moment - ou il sera trop tard
- de peser pour convaincre nos représentants politiques de bien choisir
et de nous proposer les bonnes organisations de la société
pour que chacun ait son "pourcentage" à l'image des agents des IEG.
Clients et agents des IEG, unissons nos "énergies" pour que nos
"entreprises" améliorent encore longtemps leurs performances dans
l'intérêt de tous, en France comme en Europe et même pour
tous nos autres partenaires.
Unissons nos volontés pour que "les décideurs et leurs
gestionnaires" ne les abandonnent pas à la gangrène de la
spéculation, aux intérêts financiers privés. Les
dividendes des performances de nos entreprises sont et doivent rester
collectifs.
Il y a 56 ans un certain statut novateur leur était donné
pour justement éviter les risques potentiels d'abus inhérents
au "secteur privé"
NB : Chers lecteurs, clients ou agents, ce modeste appel vous est adressé,
il peut plaire, déplaire, offusquer, amuser, choquer, révolter,
indifférer, intéresser ou, passionner qui sait ? Aussi nous
vous proposons d'en débattre dans les pages du forum que nous ouvrons
à votre intention dès aujourd'hui.
Vous pouvez, donner votre avis sur les IEG, sur leur statut, sur celui de
leurs agents. Bien sûr pas sur la technique ni sur les tarifs d'EDF
ou de GDF, il y a d'autres lieux pour en parler et encore que
nous
transmettrons volontiers aux intéressés vos questions, remarques
et propositions le cas échéant.
Nous publierons tous les messages sauf ceux à caractère
déplacé pour ce lieu d'expression.
Nous remercions nos lecteurs, de plus en plus nombreux du soutien qu'ils
apporteront à la défense du symbole d'une organisation d'entreprise
hors du commun et du relais qu'ils pourront être pour que le secteur
privé du travail s'en inspire.
( * ) : Nous vous remercions de consulter le glossaire du site si les
abréviations et acronymes suivis du signe * ne vous sont pas
familiers.
(voir aussi la communication officielle sur le 1 % sur le site CCAS)
Le comité de rédaction
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